L’indice de masse corporelle (IMC) a longtemps été la référence pour évaluer la corpulence et, par extension, l’état de santé d’une personne. Mais aujourd’hui, un consensus scientifique de plus en plus large remet en cause sa fiabilité. Peut-on encore se fier à ce simple chiffre pour juger de notre bien-être physique ?
Un outil simpliste qui ignore la complexité du corps humain
L’IMC repose sur un calcul mathématique rudimentaire : poids (kg) ÷ taille² (m). Ce ratio permet de classer les individus en différentes catégories : insuffisance pondérale, poids normal, surpoids et obésité. Le problème ? Ce calcul ne fait aucune distinction entre masse grasse, musculaire ou osseuse.
« Cette approche ne tient pas compte de la complexité et de l’hétérogénéité de la condition. Certaines personnes avec un diagnostic d’obésité établi sur la base de leur poids corporel peuvent malgré tout jouir d’une bonne santé, tandis que d’autres souffrent de maladies chroniques directement liées à un excès de graisse corporelle », explique Jean-Pierre Després, chercheur à l’Institut universitaire de cardiologie et pneumologie de Québec (IUCPQ).
L’IMC, un indicateur médical trop limité
Les experts de la santé s’accordent sur un point : l’IMC ne peut pas être un critère de diagnostic fiable à lui seul. En 2024, une commission de 58 spécialistes internationaux a publié un rapport dans The Lancet appelant à cesser son utilisation comme indicateur individuel. L’IMC peut encore être utile pour des analyses statistiques à grande échelle, mais il est dépassé pour évaluer la condition physique d’un individu.
D’autres facteurs sont bien plus pertinents :
- La répartition des graisses : Une graisse abdominale importante est plus problématique que celle répartie uniformément.
- L’état métabolique : Deux personnes avec un IMC identique peuvent avoir des profils métaboliques radicalement différents.
- Le mode de vie : Une alimentation équilibrée et une activité physique régulière ont plus d’impact sur la santé qu’un simple chiffre.
Un outil historiquement biaisé
L’IMC a été conçu dans les années 1830 par le statisticien belge Adolphe Quetelet, qui cherchait à définir l’« homme moyen ». Il n’était pas destiné à évaluer la santé individuelle. Pourtant, au fil du temps, il a été adopté par le corps médical, puis par les compagnies d’assurance et l’OMS pour établir des normes de poids.
Problème : ces normes n’ont pas été mises à jour depuis des décennies et ne tiennent pas compte des différences ethniques, sexuelles et morphologiques. Par exemple, les personnes d’origine asiatique ont une composition corporelle différente et peuvent être plus à risque de maladies métaboliques même avec un IMC « normal ».
Une approieche plus moderne pour évaluer la santé
Face à ces limites, quelles alternatives s’offrent à nous ? Plutôt que de se fier aveuglément à l’IMC, les médecins privilégient désormais d’autres indicateurs plus précis :
- Le tour de taille et le rapport taille-hanches : Des études montrent qu’un tour de taille élevé est un meilleur prédicteur de maladies cardiovasculaires.
- L’indice de rondeur corporelle (IRC) : Cet outil plus récent prend en compte la distribution des graisses et semble mieux corrélé aux risques de santé.
- Les analyses biologiques : Taux de cholestérol, glycémie, tension artérielle… Autant de données bien plus pertinentes que le simple poids.
L’un des plus grands problèmes de l’IMC, c’est aussi son impact psychologique. Être classé dans une catégorie « en surpoids » ou « obèse » peut être stigmatisant et anxiogène, alors que la santé ne se résume pas à un chiffre. Comme le souligne A. Janet Tomiyama, professeure à l’université de Californie : « Il n’existe aucune forme ou taille unique qui soit synonyme de bonne santé. »
En d’autres termes, il est temps de dépasser l’obsession du chiffre et de privilégier une approche plus globale, centrée sur le bien-être et l’équilibre de vie.
