Et si un poisson aussi dangereux que fascinant pouvait révolutionner la lutte contre le cancer ? Ce scénario digne d’un film de science-fiction est pourtant bien réel. Des chercheurs du Francis Crick Institute (FCI) de Londres viennent de publier une étude qui pourrait changer notre compréhension du cancer bronchique à petites cellules, une des formes les plus agressives de la maladie. Leur approche : couper le « réseau électrique » qui alimente ces tumeurs… grâce à une toxine mortelle, la tétrodotoxine, issue du poisson-globe.

Un cancer qui fonctionne comme un réseau électrique

Derrière cette étude, une idée révolutionnaire : et si certaines cellules cancéreuses survivaient grâce à l’électricité qu’elles génèrent ? L’équipe de chercheurs du FCI s’est intéressée au cancer bronchique à petites cellules qui représente 13 % des cancers du poumon dans le monde et dont l’espérance de vie ne dépasse pas 16 mois après le diagnostic, selon la Société canadienne du cancer.

En combinant neurosciences et cancérologie, les chercheurs ont découvert que ces tumeurs forment un véritable réseau électrique autonome, où deux types de cellules jouent un rôle clé :

  • Les cellules neuroendocrines (NE), capables de produire et transmettre de l’électricité, un peu comme les neurones de notre cerveau.
  • Les cellules non neuroendocrines (non-NE), qui alimentent les premières en lactate, un carburant énergétique essentiel.

Plus ce réseau est actif, plus la maladie progresse rapidement. « Nous savions que certaines cellules cancéreuses pouvaient imiter le comportement neuronal, mais nous ne savions pas comment le développement d’un réseau électrique indépendant pouvait avoir un impact sur le développement de la maladie », explique Leanne Li, directrice du laboratoire de neurosciences cancérologiques du FCI et co-auteure de l’étude.

La toxine du poisson-globe : un coupe-circuit contre le cancer ?

Face à cette découverte, la question est vite devenue évidente : comment débrancher ce réseau électrique cancéreux ?

La réponse est venue d’un poison redoutable : la tétrodotoxine. Présente dans certains poissons-globes comme le fugu, cette toxine bloque les canaux sodium responsables de l’activité électrique des cellules. En d’autres termes, elle paralyse les signaux électriques.

Les chercheurs ont donc testé cette molécule sur des cellules cancéreuses en laboratoire. Résultat : la tétrodotoxine n’a pas tué les cellules neuroendocrines, mais elle a considérablement réduit leur capacité à se développer. Une avancée qui pourrait, à terme, freiner la progression du cancer bronchique à petites cellules et ouvrir la voie à de nouveaux traitements.

Une piste encore expérimentale, mais prometteuse

Si cette découverte suscite beaucoup d’espoir, les chercheurs restent prudents. « Il reste encore beaucoup à faire pour comprendre l’impact biologique de cette activité électrique », précise Leanne Li. Des tests complémentaires seront nécessaires pour :

  • Mieux comprendre comment l’activité électrique influence l’agressivité du cancer.
  • Évaluer la toxicité et les effets secondaires d’un éventuel traitement à base de tétrodotoxine.
  • Tester cette approche sur d’autres types de cancers, car ce phénomène pourrait ne pas être limité au cancer bronchique.

L’idée de hacker l’électricité des cellules cancéreuses en les privant de leur source d’énergie ouvre un nouveau champ de recherche en oncologie, qui pourrait bien redéfinir notre manière d’aborder les traitements du cancer.

Un poisson mortel… qui pourrait sauver des vies ?

Ironie du sort, le poisson-globe, souvent redouté pour sa toxicité extrême, pourrait bien se transformer en allié médical. On savait déjà que des molécules issues du venin de certains animaux (serpents, méduses, scorpions…) avaient un potentiel thérapeutique, mais voir un poison aussi létal devenir un espoir contre le cancer, c’est une perspective fascinante.

Bien sûr, la route est encore longue avant d’imaginer une chimiothérapie à base de tétrodotoxine, mais une chose est sûre : cette découverte marque une avancée majeure dans notre compréhension des cancers agressifs. Peut-être qu’un jour, ce « poisson moche et dangereux » ne sera plus seulement connu pour sa dangerosité… mais aussi pour son rôle clé dans la médecine de demain.

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À propos de l'auteur

Mélissa Ait Lounis

Diplômée en biotechnologie et passionnée par le bien-être, j’adore écrire sur des sujets qui nous aident à mieux comprendre notre corps et à nous sentir bien au quotidien. Que vous soyez là pour trouver des recettes saines, des conseils fitness ou juste un peu d’inspiration, sachez que vous êtes au bon endroit !

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